LECTURE : La Trilogie berlinoise et plus encore

Je continue mon tour des livres sur la Russie socialiste et l’Allemagne nazie.
J’avoue que je commence à en avoir un peu marre du thème et vais surement en changer rapidement !

En revanche, il fallait que je vous parle de la dernière série lue,
Celle de Philip Kerr,
Qui est vraiment exceptionnelle :
La Trilogie Berlinoise
La Mort Entre Autres
Une Douce Flamme

Ces livres proposent quelque chose de rare :
Suivre un détective privé sur différentes époques :
En Allemagne, juste avant Hitler, pendant Hitler, après Hitler
Et en Argentine, durant Peron, lorsque tous les criminels de guerre allemands s’y réfugiaient.

Comme dans un roman policier américain traditionnel, le détective privé -un certain Bernie Gunther- est un ex-commissaire de police,
Il aime les boissons fortes et les jolies femmes et cache sous un certain détachement ironique et désabusé sa véritable humanité.

Bernie Gunther a quitté la police non pas -comme il le prétend au départ- parce qu’il n’aimait pas les plats qu’on lui servait à la cantine
Mais par opposition à la purge des policiers «soi-disant peu sûrs» opérée par les nazis.
Beaucoup d’entre eux étaient de ses amis.
Beaucoup ont perdu leur retraite.
Certains ont perdu la vie.

Bernie devra travailler pour les nazis par obligation mais arrivera toujours a garder son intégrité.

La Triologie Berlinoise

La ré-édition réunit trois épisodes de la série :
L’Eté de cristal, La Pâle Figure et Un requiem allemand

L’été de cristal, se déroule en 1936 pendant les JO de Berlin
En pleine ascension du parti National-Socialiste.
Dans cet environnement, le détective privé Bernie Gunther est chargé par un gros industriel de retrouver des bijoux d’une très grande valeur.

L’enquête est très menée même si le but est de nous plonger dans la vie quotidienne berlinoise juste avant-guerre
Et de nous montrer les plus petits rouages de la mécanique nazie en marche.

Le tableau est sombre :
Juifs en fuite, qui alimentent un trafic de faux papiers et richesses en tous genres pour financer leur départ ; Allemands qui adhèrent massivement au parti nazi par conviction ou pour protéger leurs arrières
Lorsque fleurirent toutes les adhésions spontanées à ce parti NAZI,
Et lorsqu’on traficotait pour obtenir un «petit» numéro d’adhérent prouvant ainsi sa longue fidélité à la doctrine en vogue.
Délation, saccages de synagogues et de magasins tenus par des juifs ;
Propagande antisémite à grands renforts de caricatures limite pornographiques ;
Nationalisme ; peur etc…

La Pâle Figure nous amène en 1938 alors que l’Allemagne envahit les Sudètes et pendant que Berlin attend l’issue des pourparlers de Munich,
Bernhard Gunther est appelé par une importante éditrice, qui subit un chantage relatif à son fils, homosexuel.
Une dénonciation signifierait pour lui le camp de concentration.

Au même moment, un ami policier propose à Gunther une autre mission, difficile à refuser :
Travailler pour les services du tout-puissant responsable nazi Heydrich, qui le lance sur la piste d’un tueur en série.

Au fil d’un thriller qui nous conduit des cliniques psychiatriques aux coulisses du pouvoir hitlérien,
Est ressuscitée l’ambiance d’une ville où s’appesantit la folie totalitaire.

La dernière partie, Un requiem allemand, nous propulse en 1947 à la fin de la guerre, où l’on retrouve Bernie, marié dans Berlin en ruines,
Un Berlin dévasté où les femmes rescapées tentent de survivre en se prostituant et où la peur des viols par les russes est de règle.

Gunther est contacté par un colonel de renseignement soviétique, dans le but de sauver de la potence un nommé Becker, accusé du meurtre d’un officier américain.
Mais quel rôle jouait au juste ce Becker — que Bernie Gunther a connu quelques années plus tôt ? Trafiquant ? espion ? coupable idéal ?

On suit donc Bernie jusqu’à Vienne en pleine dénazification,
Lorsque les Américains tentent de récupérer les «meilleurs éléments» allemands pour constituer, face aux soviétiques, les forces d’espionnage qui feront bientôt les beaux jours de la guerre froide.
Tandis que la dénazification entraîne une valse des identités et des faux certificats.

Ce premier livre est incroyable.
Le mélange de roman et de personnages historiques est impressionnant.
L’auteur s’est énormément documenté sur cette sombre période pour rendre toute la réalité des ambiances des époques.

Pour moi qui recherchait à comprendre comment on peut en arriver là, comment on vit quand on en est là et comment on gère l’après,
C’est une mine d’or !

La Mort Entre Autres

Nous voici transportés en 1949.
Une époque que l’on connait moins ou que l’on imagine difficilement
Munich rasée par les bombardements et occupée par les Américains se reconstruit lentement.

Bernie Gunther aussi : redevenu détective privé, il vit une passe difficile.
Sa femme meurt, il a peu d’argent et surtout, il craint que le matricule SS dont il garde la trace sous le bras ne lui joue de sales tours même s’il n’a jamais adhéré aux idées nazies

Une cliente affriolante lui demande de vérifier que son mari est bien mort, et le voici embarqué dans une aventure qui le dépasse.

L’Allemagne d’après-guerre est le carrefour où se rencontrent des gens dont les intérêts sont farouchement antagonistes.
Ainsi, les « anciens camarades » de Gunther se terrent espérant échapper aux commandos de la mort israéliens et aux réprésentants de la loi alliés;
Dans le même temps, les espions américains et les occupants russes, tout en traquant les anciens nazis, se livrent une guerre larvée, premices de la guerre froide.
Le tout dans un climat où la légalité n’est plus qu’une vue de l’esprit.

Avec cette question récurrente :
Doit-on traquer et punir les nazis, quitte à ce que la punition soit à la hauteur de l’inhumanité de ce que les nazis ont eux-même fait ?,
Ou doit-on avancer, tirer un trait sur cette horrible période pour pouvoir se reconstruire sereinement ?

 
Une Douce Flamme
 

On part en 1950.
Embarqué sous un faux nom pour l’Argentine, Bernie Gunther va y retrouver le gratin des criminels nazis en exil.

Ayant révélé sa véritable identité au chef de la police de Buenos Aires, il constate que sa réputation de détective l’y a précédé.
Une jeune fille est assassinée dans des circonstances atroces, et Bernie se dit que cette affaire ressemble étrangement à une enquête non élucidée qui lui avait été confiée lorsqu’il était flic à Berlin sous la république de Weimar.

Soupçonnant l’un des très nombreux nazis réfugiés dans sa ville, le chef de la police, sollicite l’aide de Bernie qui accepte sans grand enthousiasme.

Une série de flash-backs nous ramènent à Berlin en 1932, éclairant les progrès de ses investigations, qui posent d embarrassantes questions sur les rapports entre le gouvernement de Peron et les nazis.

Une Douce Flamme, l’expression des nazis pour décrire ce léger frémissement qu’ils ressentaient en présence de leur Führer,
Nous fait vivre un épisode important de l’histoire allemande du dernier siècle:
Odeurs prégnantes de défaite, restes de rancoeur et de haine mais retour à la vie, dans un autre pays, les deux pieds en Argentine mais la tête et le coeur encore à Dachau.

Une découverte pour moi :
La découverte d’une partie de l’histoire du nazisme en Argentine et de l’implication du président Juan Peron et de sa femme Eva.

En conclusion,
Un travail hallucinant sur une période incroyable de l’histoire des allemands.
Une œuvre rendant fortement chaque époque.
On palpe la peur, on réalise, on vit avec les allemands.

On se pose les bonnes questions :
Qu’aurais-je fait à leur place ?
Faut-il punir et être aussi cruel que les autres l’ont été ?
L’Homme est-il foncièrement méchant ?
Y a-t-il tant de fous autour de nous ?

J’ai dévoré ces livres et attend avec impatience que le 6ème épisode sorte en poche :
Hotel Adlon

Berlin, 1934 : Le monde est aveugle.
Mais Bernie Gunther, lui, ne l’est pas.
Après avoir quitté la police de plus en plus nazifiée, il est chargé de la sécurité des résidents du célèbre hôtel Adlon.

Le dirigeant d’une entreprise de construction est retrouvé assassiné dans sa chambre.
Quelque temps plus tard, on repêche le cadavre d’un jeune boxeur juif.
Y aurait-il un lien entre ces deux meurtres ?

Dans le même temps, Bernie fait la connaissance de deux résidents de l’hôtel : une talentueuse et ravissante journaliste qui milite pour que les États-Unis boycottent les Jeux olympiques de 1936 et un gangster américain proche de la mafia de Chicago, bien décidé à s’enrichir grâce aux J.O.

Sur fond de montée de la discrimination à l’égard des juifs, Bernie découvre un réseau de sociétés écrans, destinées à détourner les sommes pharaoniques que les nazis sont prêts à dépenser pour exhiber le nouveau visage de l’Allemagne grâce à la construction du stade prévu pour accueillir les J.O.
La lumière sur cette affaire ne se fera que vingt ans plus tard, dans le Cuba prérévolutionnaire.

Je me réjouis d’avance de clore cette série déconcertante !

One comment

  1. Laure says:

    J’avais adoré les chroniques de San Francisco que tu m’avais conseillées un jour à Paris (que c’est loin !). Je note ces livres-ci du coup !

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